Tuesday, January 30, 2007

Le trek de Muang Sing

Nous sommes donc à Muang Sing, un haut-lieu du trekking au nord du Laos. D'après notre guide de voyage, c'est le meilleur endroit pour effectuer un trekking dans toute l'asie du Sud-Est. Nous espérons que cela sera le cas, car à part cela, le village n'est pas très excitant, une succession de Guest Houses peu accueillantes le long d'une route goudronnée.


Nous nous rendons donc dans l'office gouvernemental qui est le seul habilité à organiser des treks. Cet office propose de nombreux treks à faible impact dans les colines environnantes, avec visites des villages des tribus locales. Ceci contraste, toujours d'après notre guide de voyage, avec la situation d'il y a quelques années en arrière, ou n'importe qui pouvait organiser des treks de manière anarchique, avec consommation d'opium et tutti quanti.

Nous nous décidons pour un trek de 3 jours (le plus long), en commun avec 4 autres touristes (2 israéliens provenant d'un Kibutz, un anglais et sa femme sud-coréenne.

Départ pour le trek le jeudi 25 à l'aube. Programme:

- 5-6 heures de mache par jour
- Jour 1: montée au sommet de la première colline, visite de villages d'ethnies Hmong et Akha. Hébergement dans un village Akha au sommet de la première colline.
- Jour 2: marche le long de la crête pour atteindre la colline la plus élevée, avec vue sur la Chine et la Birmanie. Hébergement dans un second village Akha.
- Jour 3: descente sur Muang Sing.

Le trek se présente sous les meilleures auspices. Les 2 guides (un guide anglophone et un guide de l'ethnie Akha) sont sympathiques et semblent bien déconneurs, ce qui n'est pas pour nous déplaire.


Arrivée dans le premier village, de l'ethnie Hmong. Les villages Hmongs, par opposition aux Akhas, sont toujours relativement proches des villes. Les guides nous racontent une légende fondatrice des Hmongs qui explique ceci. En gros, un chasseur Laotien rencontra un jour une très belle fille Hmong lors d'une de ses promenades en forêt, ils se marièrent et s'établirent en ville. Au bout de quelques années, la fille s'ennuyait trop des siens et est retournée dans son village dans les montagnes. Pour éviter ce genre de mésaventures, les Hmongs se sont depuis établis près des villes.

Mais revenons en au village Hmong. Nous arrivons en pleins préparatifs d'une cérémonie de mariage Hmong. La fête se déroule sur plusieurs jours, avec sacrifice quotidien d'un cochon, et le dernier jour, le bouquet final, sacrifice d'un buffle.

Les guides nous expliquent que les Hmongs ont 2 à 5 femmes, qui habitent toutes sous le même toit. Les soirées ne doivent pas être tristes dans les cahutes! Le village est relativement primitif, les cochons et les poules s'ébatent en liberté au milieu des villageois. La proximité des villes et de la Chine procure néanmoins quelques avancées, comme l'élécricité par panneaux solaires.

Les guides nous racontent une seconde légende fondatrice des Hmongs: Un Hmong épousa une fille de la ville, qui vint habiter dans le village. A l'époque, les maisons étaient baties sur pilotis, comme celles des Akhas. La femme se cassa une jambe en descendant l'échelle menant à la hutte. Depuis ce jour, les Hmongs ne construisent plus leur maison sur pilotis. Eh oui, c'est aussi simple que cela. Une jambe cassée? Qu'à cela ne tienne, au lieu de faire attention ou on met les pieds, on supprime les pilotis ;-). Vu le nombre de décès par accident de la route chez nous, il faudrait peut-être voir à supprimer les voitures non?

Trève de digressions, et place à la première déception: Phil a bien mis la batterie de l'appareil photo à charger le soir d'avant, mais il a comme de bien entendu oublié de la remettre dans l'appareil le matin. Résultat des courses: pas de photos! Il faudra vous contenter du texte, en attendant que notre amie de trek Sud-Coréenne nous envoie ses photos à elle comme elle nous a promis de le faire.

Bref, nous continuons notre chemin pour atteindre le sommet de la première colline. Les paysages sont superbes, avec des risières et une végétation déjà dense même si nous ne sommes pas encore vraiment en forêt. La température est agréable, le soleil étant masqué par une fine couche de nuages. Nous arrivons vers midi dans le premier village Akha.

Le premier village Akha contraste déjà nettement avec celui de l'ethnie Hmong. Ici, pas d'électricité, encore moins d'eau courante. Les cabanes sont sur piloti et les enfants se rassemblent joyeusement autour de nous en nous dévisagent avec insistance, comme si ils voyaient des touristes pour la première fois, alors que c'est leur lôt quasi-quotidien. Les guides nous racontent des choses passionantes sur leur mode de vie. En voici deux exemples:

- Il ne faut jamais traverser un village Akha sans s'arrêter. C'est très impoli. Il n'y a aucun problème à venir au village, mais il faut prendre le temps de faire une pause de quelques minutes, échanger quelques mots avec les villageois, éventuellement accepter de boire un verre dans la cabane du chef, ensuite de quoi on peut reprendre sa route.

- Les villages Akhas sont gardés par deux portes, appelées porte des esprits. Ces portes sont des grands édifices faits de troncs d'arbres croisées, ornés de dessins et d'écritures. Les portes sont disposée à l'entrée de la forêt à la limite du village. les esprits de la forêt utilisent ces 2 portes respectivement pour entrer et sortir du village. Il est interdit pour quiconque de toucher un de ces portes, sous peine d'une forte amende (qui se chiffrent en cochons et poulets), et éventuellement d'une petite malédiction des esprits, qui sait.. Les maladies que contractent les villageois sont imputées à ces esprits de la forêt qui entrent et sortent du village. Si un villageois est malade, on lui applique tout d'abord des herbes médicinales pour lutter contre la maladie. Si cela ne fonctionne pas, on fait appel au "Spirit Doctor", une sorte de shaman qui va lutter contre les esprits qui ont apporté la maladie à l'aide d'offrandes (cochons, poules, etc..). Et si vraiment cela ne fonctionne pas, alors on se résoud à aller à l'hôpital à Muang Sing. Eh oui, on a beau dire, esprit ou pas esprit, l'hôpital ça a parfois du bon!

Ce qui nous frappe également dans ce village est que des toutes petites filles (6-7 ans), se promènent avec de très petits bébés sur leur dos, simplement tenus par une écharpe. On se demande comment elles font pour supporter cette charge en permanence. Les guides nous expliquent qu'en moyennent, une famille Akha est composée de huit enfants.

La touriste sud-coréenne décide de venir en aide à un garçon d'une dizaine d'années qui a une méchante coupure sous le pied. Apparemment, la coupure est déjà en train de s'infecter, et marcher à pieds nus dans la terre et les détritus n'arrange pas les choses. Comble de l'ironie, aucun des 6 touristes n'a prévu de prendre des crèmes antibiotiques ou désinfectantes. Nous avons seulement une trousse de soins avec des sparadraps et des bandes. La sud-coréenne lave la blessure avec de l'eau, applique le bandage sur le pied du garçon et passe une chaussette par dessus. On essaye de sensibiliser les parents sur la gravité de la blessure, mais ceux-ci ne semblent pas trop préoccupés du sort de leur rejeton, et ils écoutent poliment les recommandations de se rendre au centre de soins à une demi-journée de marche. On doute qu'ils le fassent. Difficile d'accepter que la valeur d'une vie humaine n'est ici pas la même que chez nous. D'un autre côté, est-ce vraiment une bonne chose de tenter de modifier un mode de vie qui se perpétue depuis des centaines d'années? Nous nous résignons donc et nous disons que le moins on intervient de quelque manière que ce soit, le mieux cela sera pour ces populations (après tout, ils n'ont rien demandé). Et de toute façon, on se sent déjà un peu mal à l'aise de venir les observer comme des animaux au zoo.

Nous quittons le village et commençons l'ascencion de la colline. La marche est rapide et ce n'est pas pour nous déplaire, enfin un petit entrainement! Nous arrivons au sommet vers 17h, dans une second village Akha encore plus primitif que le précédent. Une chose nous frappe de suite, c'est les yeux des enfants, qui dans presque un cas sur deux sont gonflés et à demi fermés. Un enfant a déjà perdu un oeil à cause de cette infection. On se rende compte d'emblée que l'hygiène et les médicaments font cruellement défaut ici. Les guides préparent le repas dans la hutte qui nous est attribuée, et nous mangeons de délicieux plats laotiens, préparés dans des conditions d'hygiène douteuses, mais on passe outre et on tourne ce jour là définitivement la page du soucis d'hygiène alimentaire.

Après le repas, les locaux viennent tout à tour dans la hutte, et la traditonnelle tournée de Lao-Lao, le whisky de riz fait au village, commence. L'alcool comme moyen de socialisation est décidemment universel! Le villageois qui invite boit toujours le premier. Cette habitude garantit que le breuvage n'a pas été empoisonné. Il tend ensuite le verre à chaque convive assis en cercle. Le rythme est assez soutenu. Après quelques tournées, les attitudes un peu coincées du départ s'estompent et l'ambiance se fait chaleureuse. Les guides s'entretiennent de manière très animée avec les villageois et nous observons la scène amusés. De temps à autre, les guides nous racontent des anecdotes de plus en plus croustillantes l'alcool aidant. Nous en apprenons un peu plus sur les dessous de la vie amoureuse des Akhas. Gare aux âmes sensibles: en gros, les filles sont "majeures" à environ 12 ans et se marient vers 14. Les premières relations se font dans des huttes qui sont construites entre les villages. Auparavant, la première relation était avec le chef du village mais cette tradition a disparu. Les filles ne se marient jamais avec leur premier amant. Curieusement, elles n'ont pas d'enfant avec ce dernier, même si les moyens contraceptifs n'existent pas. Les guides se perdent en conjectures pour trouver une explication à celà. Nous n'en saurons pas plus. Au cours de la soirée, un jeune homme d'environ 16 ans fait irruption avec deux jeunes filles du même âge (voire moins), maquillées et sur leur 31 (enfin le 31 Akha n'est pas le 31 de chez nous). Il s'avère qu'il est une espèce de proxenète, et que les filles travaillent pour lui. Apparemment, elles proposent des massages tout ce qu'il y a de plus correct mais des discussions ultérieures démontreront qu'il peut y avoir plus si affinité. Bref, le sentiment de malaise est général, en particulier bien sur en ce qui concerne l'âge des filles. Pour faire bonne figure, Le couple Sud-Coréen accepte un massage, qui se déroule dans la même pièce et dans l'hilarité générale. Apparemment, la technique de massage Akha n'est pas très au point!

Finalement, le Lao Lao aura raison de l'assemblée, et après un petit tour à la lampe frontale dans la forêt avoisinante pour soulager un besoin pressant, nous nous couchons dans notre cahute.

La nuit sera de courte durée, les nombreux coqs nous réveillant vers 5h30 du matin, sans compter les grognements des cochons sous la cabane et les aboyements des chiens. Ah oui, j'oubliais: il y a aussi les engins en bois servant à piler le riz et qui résonnent lourdement sous les pressions des pieds des villageoises.

Nous nous remettons en route pour longer la ligne de crête. Après 5 heures de marche dans des paysages somptueux et très variés, allant de zones rocailleuses à une dense forêt, nous arrivons au sommet de la plus haute colline. Comme promis, le paysage est superbe de là-haut, avec comme promis vue sur la Chine et la Birmanie.

Le soir, nous arrivons dans un second village Akha très semblable au précédent, sauf qu'il y a ici des pompes avec de l'eau provenant d'un puit. Nous pensons que nous aurons enfin l'opportunité de nous laver, même sommairement. En fait, la douche est très sollicitée par les locaux, et nous nous gênons un peu de nous laver en plein milieux du village (la douche est complètement ouverte!). Finalement, nous décidons que nous somme très bien tout sales.

Les guides nous avaient prévenu le matin qu'il n'y aurait sans doute pas de viande au menu de la journée. Heureusement, les villageois nous sauvent la mise en nous vendant une poule vivante, certes pas bien dodue. Un des guide se dévoue de bon coeur pour sacrifier l'animal au beau milieu de notre cabanne. Le volatile est coriace, et même après avoir été égorgé, vidé de son sang et ébouillanté, il continue de s'agiter. Finalement, il se rend et nous le dégustons avec délectation, accompagnée de Chilli, d'herbes, de riz et autres spécialités locales. Quelques Lao-Lao plus tards, nos deux guides décident que cette fois-ci, c'est eux qui ont le droit au massage. Ils s'exécutent donc et nous laissent, pauvres touristes, avec notre bouteille de Lao-Lao à moitié pleine, obligés de faire le service nous-même. Les 2 israéliens nous parlent de leur vie au Kiboutz tout en mangeant des biscuits écrasés (car transportés dans les sacs des guides) à la cuillère, pendant que le couple anglo-sud-coréen se dispute, la sud-coréenne supportant mal que les guides nous abandonnent et se fassent masser pas des adolescentes. Des grands moments de Trekking!

Le lendemain, nous descendons sur Muang Sing. La météo n'est pas très clémente et la pluie se fait de plus en plus drue au fil de la matinée. Les pieds commencent à faire mal, il fait froid et nous nous réjouissons de retourner à la civilisation. L'arrivée dans le village de Muang Sing, qui n'est pourtant pas un modèle de modernité, nous paraitra le summum du luxe. 3 jours sont suffisants pour oublier le confort moderne!

Au final, aucun regret pour ce Trekking qui nous laissera pleins de souvenirs intenses. Par contre, on va certainement laisser un petit temps de repos avant le prochain!

5 comments:

Dovy said...

Ahahah, ça m'étonne pas de Siflou d'oublier la batterie, il ne changera jamais :-p

Cris said...

Ahhahaaaaa!! comme tu dis.. et tu ne sais pas la meilleure: il est malade maintenant :-D! Bon, ceci dit, je le suis aussi hum hummm.. esperons que ce n'est pas la dengue ou autre maladie sympa.

Dovy said...

Mwahahah comme d'hab, il est toujours malade lui ^^ un coup de vent et il a un rhume.

J'ai bien pensé à vous en prenant une douche ce matin, ça faiiiit du bien huhuhu.

Sinon Alina vous embrasse.

bizzz

Gilbert said...

essai de connection

Deni said...

La pauvre bête:( J'espère que vous ne l'avez pas regardée mourir...Mais bon, c'est vrai qu'après une journée de marche, un repas (protéique) est bien mérité:D Et puis au moins la poule n'était pas nourrie de conneries. Et après tout, ici on s'empiffre de viande et personne ne pense aux milliers de ces pauvres animaux qui ne vivent que pour grossir et qui font la fil d'attente pour mourir une fois le poids idéal atteint! J'arrête car si je continue soit je deviens végétarienne (j'en suis à 2 doigts) soit vous me verrez bientôt millitant dans je ne sais quelle manif comprenant 10 personnes au grand max!
Espérons que l'amie sud-coréenne vous enverra les photos comme promis. Ils sont gentils ces sud-coréens, normalement:)